Vilnius - Jour 5 - Partie 2 - Jérusalem

Il est maintenant 10 heures... je suis dans les temps! Je vais attendre le bus qui doit passer à 10h17 et me permettra pour 1€ d'aller un peu plus vite vers mon lieu de rendez vous. Et je suis donc en avance à l'ancien hôtel de ville où les filles à la mallette jaune sont déjà là à m'attendre. Comme prévu hier j'ai réservé pour une visite guidée dédiée au quartier juif de Vilnius.


Il y a bien moins de monde que pour la visite gratuite de la veille: nous ne sommes que 3! Et pourtant cela ne coûte que 10€...
Les deux autres participants sont un couple de retraités israéliens qui sont bien étonnés de voir qu'un non juif s'intéresse à tout ça.
C'est Milda qui sera notre guide aujourd'hui. Le soleil lui aussi sera de la partie...



Notre guide commence par nous expliquer que les premiers juifs sont arrivés dans le pays vers 1200 et que les rues dans lesquelles nous nous trouvons étaient plutôt en mauvais état à l'époque: on réservait aux nouveaux arrivants les maisons dont personne ne voulait.


Les noms des rues gardent les traces du passé: 'Zydu gatvé', ou la rue juive. Mais d'autres rues portent des noms en yiddish (comme la rue du verre).


Juifs et catholiques ne se mélangeaient pas: ils ne mangeaient pas pareil, n'allaient pas à l'office religieux le même jour, etc... Néanmoins Vilnius a très vite été appelée la "Jérusalem du Nord".


Mais nous n'allons pas parler seulement des juifs durant notre visite, car nous passons par exemple devant la statue de  Kristijonas Donelaitis. Ce pasteur fut le premier a écrire un poème en lituanien.


Nous passons également devant la maison de Marko Antokolski (1843-1902). Ce grand sculpteur né à Vilnius est devenu riche grâce à une sculpture d'Ivan le Terrible qu'il vendit à prix d'or est qui se trouve à Saint Petersburg. Ses sculptures étaient si fines et détaillées qu'on dirait qu'elles vont prendre vie.


Nous revoilà devant la statue du 'Gaon', cet érudit juif qui est considéré comme Rishonim (un décisionnaire en matière de loi juive, un sage en quelque sorte). D'après la légende, il connaissait le Talmud par cœur à 6 ans, et a étudié toute sa vie jusqu'à ne pas avoir ni famille ni amis.
On dit que ses professeurs refusèrent de lui enseigner quoi que ce soit, arguant que le jeune homme connaissait déjà trop de choses.


Le Gaon est à l'origine d'un courant de pensée hébraïque dans lequel un croyant doit chercher sa foi plus dans la méditation que dans les chants, les fêtes et les danses comme il était alors de tradition. Aujourd'hui encore ces deux courants s'opposent parmi la communauté juive.
Ce buste fut réalisé durant l'ère soviétique, et en fait 'masqué' en buste représentant Karl Marx pour ne pas éveiller les soupçons.


La plaque commémorative attire aussi notre attention: le texte n'est pas écrit en hébreux mais en yiddish. C'est quelque chose que je ne savais pas: le yiddish utilise à peu près la même écriture que l'hébreux mais les mots sont en allemand (langue parlée par les juifs en Europe à l'époque).


Milda évoque également Liptisa, nom donné par la communauté juive à la région qui englobe la Lituanie, la Pologne et quelques pays limitrophes. Les juifs issus de cette région se distinguent des autres et sont généralement très fiers de cette origine. C'est le cas par exemple de l'un des fondateurs de Marks & Spencer.


Nous voici de retour devant le panneau explicatif de la grande synagogue, pour découvrir quelques nouveaux détails sur cet édifice unique, dont Milda nous montre une représentation. Elle était connue pour sa librairie qui pouvait accueillir 600 personnes et était située avant l'entrée de la synagogue. Détruite par les bombardements de la seconde guerre mondiale, elle aurait pu être reconstruite après guerre mais les soviétiques ont préféré tout raser.


La communauté juive de Lituanie fut la plus lourdement touchée par la Shoah, passant de 265000 individus à 11000... plus de 95% de la population juive fut décimée! Dans les 2 ghettos délimités par les nazis dans Vilnius, 29000 vivaient dans le premier et 11000 dans le deuxième, le ghetto 2 étant sensé regrouper ceux qui ne pouvaient pas travailler (et donc exterminés en premier).


Nous revenons sur le boulevard des Allemands, qui a également été percé en rasant  toute une partie du ghetto juif. Cette sculpture évoque la "Juliette" lituanienne: une belle et jeune veuve dont le roi était amoureux. Mal-aimée par la noblesse qui la considérait trop âgée pour épouser le roi (elle avait plus de 30 ans), elle finit par parvenir à ses fins.


Nous continuons notre chemin et passons devant le centre d'information du ghetto pour aller vers la sympathique statue du docteur Zemak Shabad. Ce médecin juif, ami des pauvres et apprécié de tous, fut le fondateur du YIVO, une association scientifique juive (en compagnie d'autres savants, comme Albert Einstein). Institution basée à Vilnius, elle fut transférée aux USA pendant l'occupation nazie. On dit même que Zemak Shabad aurait inspiré le personnage du docteur Doolittle!


Puis nous entrons dans la cours de l'ancien Judenrat. Pendant l'occupation nazie l'hôpital et la cour de justice continuèrent de fonctionner à l'intérieur des ghettos. Il y avait même un théâtre où parfois les officiers allemands venaient se divertir des spectacles des artistes juifs.
Milda évoque l'histoire de  Jacob Gens, nommé chef de la police du ghetto par les occupants. Juif de naissance mais marié à une catholique, il participa - en tant que principal interlocuteur - aux négociations qui permettaient de désigner qui allait être envoyé à la mort (à Panierai notamment) ou pas. Était-il un traître ou un héros? En tout cas il resta jusqu'au bout, essayant de faire des choix difficiles, et quand on lui proposa de s'enfuir il préféra rester pour mourir dans le ghetto.


Parfois, sur les murs de bâtiments quelconque, on peut apercevoir des plaques commémorant les limites du ghetto qui se trouvait ici.


Notre guide Milda nous fait alterner entre jolies rues typiques et arrières cours défraîchies. On sent qu'on est dans un très vieux quartier laissé à l'abandon et qui ne demande qu'à être redécouvert...


Nous empruntons un raccourci qui permet de déboucher directement en face de la Synagogue Chorale, la dernière encore en activité à Vilnius. D'ailleurs les deux autres participants au tour guidé - dont l'hôtel n'est pas loin - ont assisté à une séance de prière la veille ici même. Il y avait 19 personnes à la séance. En effet il reste peu de juifs dans le pays, beaucoup ayant émigré en Israël, notamment les personnes âgées qui à l'age de la retraite peuvent être pris en charge là bas.
En France, ce serait la recrudescence des attentats qui entraîne une nouvelle vague d'immigration: il parait que dans certains villages en Israël, tout le monde parle français!


La synagogue a néanmoins réussi à rester en activité sous l'occupation nazie et même durant les soviétiques. Et nous pouvons entrer dans celle-ci: il suffit de sonner à la grille pour qu'on vienne nous ouvrir. Je suis surpris qu'on ne fouille pas mon sac et qu'on ne nous impose même pas le port de la kippa (obligatoire dans les synagogues en France). Je peux aussi prendre des photos.


Il y aurait actuellement 2 rabbins à Vilnius: le premier vient de Riga et l'autre d'Ukraine. Bonne chose: ce sont de jeunes rabbins plein de dynamisme. Sur les 105 synagogues et oratoires d'avant la guerre, il ne reste plus que celle là.


Il y a également deux toras qui ont été offertes par des fidèles.


On appelle cette synagogue 'Chorale' car à l'époque le culte se faisait avec des chants choraux, un rituel qui était particulier dans le culte orthodoxe juif. Elle fut construite en 1903.



Nous voilà repartis pour un prochain arrêt: cette rue avec ce bâtiment délabré, ancienne librairie du ghetto. Les affiches sont des photos d'anciens habitants ui ont été exterminés.



Sur certains immeubles on peut encore voir la devanture écrite en yiddish des anciens propriétaires des lieux.


Nous entrons dans une vieille cour où notre guide nous montre la fenêtre de la maison en face. C'était un lieu où l'on lisait la tora durant la prière. Cela évitait aux gens du coin d'aller se mélanger aux autres dans la synagogue. Maintenant les lieux ont bien changé: il y a du linge étendu au milieu de la cour...


Notre visite va maintenant s'achever et nous allons nous quitter sur une petite placette, non sans avoir évoqué les justes, et surtout le plus connu d'entre eux en Lituanie: mr Sugihara, ce diplomate japonais qui aurait sauvé 20000 juifs en leur fournissant des laisser passer pour se rendre au Japon.


Voilà c'est fini! On échange nos adresses email avec Milda et elle me donne aussi un n° de téléphone pour mon taxi. C'est déjà 13h15 et je vais me dépêcher un peu: je rentre à l'appartement prendre ma valise et je file au restaurant pour un dernier repas. La clé... dans la boite aux lettres!


Pour le restaurant je ne vais pas me casser la nénette je retourne au Forto Dvaras, où j'avais très bien mangé il y a deux jours. Ils sont rapides et je sais que c'est bon!
Soupe de betterave (toujours aussi délicieuse) et un genre de pot de pommes de terre et poulet. Bon bien sûr c'est bourratif... 9€ c'est le montant de mon addition et 14h l'heure à laquelle je me retrouve dehors.


J'appelle au n° de téléphone pour avoir un taxi et 5 minutes plus tard plus d'inquiétude je reçois un SMS pour m'avertir: le taxi est là. Mon chauffeur, Dimitri, va m'amener direct à l'aéroport sans broncher. C'est très bien organisé ces taxis: ils ont un écran tablette avec les propositions de course qui défilent. Et à l'arrivée, 6€50 seulement le trajet.



Je dépose mes bagages et passe les contrôles de sécurité. J'ai 1h30 d'attente devant moi et en plus... le vol à 1h de retard au décollage! Heureusement que mon transfert à Copenhague devait durer 2h30! Je m'installe au café un instant puis je passe dans une petite salle de cinéma qui passe des courts métrages.


C'est la fin du voyage, mais mes problèmes ne sont pas terminés pour autant. A Copenhague, j'ai une petite faim, je dégusterais bien un Smörebrod mais je m'aperçois... que ma carte bancaire a disparu! Après multiples recherches je dois me rendre à l'évidence: j'ai dû oublier ma carte dans le distributeur quand j'ai pris de l'argent il y a deux jours. Il va falloir que je fasse opposition, et que je change mes euros contre des couronnes pour me payer un misérable sandwich à 20€ (et oui, le Danemark, c'est cher).


L'avion est plein de supporteurs islandais et autrichiens, prêts à venir supporter leur équipe dans le match de l'euro qui a lieu demain.
Et une fois arrivé à Paris, il va falloir que j'affronte encore la fête de la musique qui bat son plein jusqu'à 1 h du matin en bas de chez moi, moi qui suis bien fatigué et qui ne souhaite qu'une chose: dormir!

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