Bucarest - Jour 1 - Partie 3 - La ville déplacée

Changement de paysage: nous passons de la Bucarest ancienne à la Bucarest moderne en entrant sur la grande place Unirii, la place de l'union.
Elle fut construite de toute pièce sous Ceausescu afin de devenir le point névralgique de toute la ville.


Au centre il y a un parc et un ensemble de fontaines, et tout autour une nuée de voitures qui vont dans tous les sens. Ça sent les pots d'échappement et le goudron chauffé...


D'un côté de la place se trouvent les grands magasins: Stradivarius, Bershka, H&M...


Moi je suis plus attiré par les jets d'eau des fontaines du centre de la place, qui dansent dans une chorégraphie pleine de légèreté et de fraîcheur...


Au bout de l'avenue, on aperçoit la silhouette du palais du Parlement, dont on aura certainement l'occasion de reparler.
Sympa cet endroit, dommage qu'il y ai toutes ces voitures!


Je fais le tour de cette grande place, et dans un coin il y a la Dambovita, le fleuve qui traverse Bucarest. Ses rives sont moins sympathiques que celles de la Seine, c'est vrai...


Mais c'est bientôt l'heure de mon rendez vous: juste au centre, dans le parc au milieu de la place Unirii. Juste au pied de cette horloge pour être exact.
En cette fin d'après midi, la jeunesse de Bucarest vient se prélasser sur l'herbe.
Il y a aussi quelques gars un peu louches, et bien sûr des clodos... Des gamins roms m'appellent pour que je les photographie contre quelque obole. Non, désolé...


J'aurais besoin moi aussi de me reposer un instant, mais je vois que plusieurs autres participants au Free walking tour de ce soir sont déjà là en train d'attendre.
Notre guide, souriante, s'appelle Greta et elle a un large groupe à gérer ce soir: des américains, des italiens...
Durant les 2h de visite qui nous attendent, Greta n'hésitera pas à nous poser des questions pour vérifier si tout le monde suit, avec quelques biscuits en récompense.


Nous allons commencer par parler du Palais du parlement, dont on aperçoit la silhouette lointaine derrière les fontaines. Suite à un voyage diplomatique en Corée du Nord, Ceausescu - alors simple dictateur - décida de monter d'un cran ses exigences en matière de mégalomanie communiste. Tout d'abord en voulant rembourser le plus vite possible les dettes de la seconde guerre mondiale - quitte à affamer un peu plus son peuple - et ensuite en détruisant toute une partie de la ville et la reconstruire à son gout.
L'avenue où nous nous trouvons est donc la plus large avenue du monde, l'objectif étant de la faire 20 mètre plus large que celle des Champs Elysées.
Quand au palais du parlement, il s'agit du deuxième plus gros bâtiment administratif au monde, le premier étant celui du pentagone.
Le but était de rassembler dans un même bâtiment la plupart des ministères du gouvernement.


Quant aux immeubles modernes qui bordent l'avenue Unirii, ils étaient destinés à devenir les immeubles d'habitation des membres les plus éminents du parti. Ainsi Ceausescu avait-il tout le monde sous la main en cas de besoin...
Bien sûr il fallait pour que tout cela soit construit en vitesse, et le 'Conducator' serra la ceinture de la population: bons de rationnement et magasins vides, tout était exporté.
Je vois que j'ai attisé votre curiosité, alors voici une photo du Palais du parlement prise le lendemain:


Commencé en 1980, le palais du Parlement ne fut terminé qu'après la révolution en 1990.  A la surprise générale, l'architecte qui gagna le concours n'était qu'une jeune fille de 26 ans tout juste sortie de l'école. Le projet aurait tapé dans l’œil de Ceausescu car il était le plus grand et qu'il était le seul à être présenté en maquette (il ne faut pas oublier que le bonhomme n'a jamais eu aucun diplôme... mis à part le certificat d'étude)!
Ce bâtiment donc est immense... tellement immense qu'à l'heure actuelle seul 1/3 de l'édifice est utilisé. Et en plus il y a presque autant d'étages en sous sol qu'à la surface, ce qui le rend résistant aux tremblements de terre.
Pour la petite anecdote, le balcon d'où de dictateur avait prévu de faire ses discours n'a jamais été utilisé par lui. Il fut inauguré par... Michael Jackson! Lors de sa tournée dans la région, le King of Pop demanda à visiter l'édifice et, les fans commençant à se rassembler autour du parlement, il apparu au balcon et déclara: "Hello Budapest!"
... 0/20 en Géo Michael!



Continuons notre chemin pour pénétrer dans le dédale des petites rues de Lipscani (où j'étais déjà passé tout à l'heure). Tout d'abord voici le fameux Caravansérail dont je n'arrive jamais à me rappeler le nom... Ah oui: Hanul Lui Manuc! Ils prévoient de le retransformer bientôt en hôtel. On peut aller jeter un œil dans la cour, mais moi je l'ai déjà fait tout à l'heure...


Je ne sais plus ce que la guide a expliqué sur la petite église Curti Vecci, juste en face. Certainement que c'est la plus ancienne de la ville, et que les rois s'y faisaient couronner...


Voilà les ruines du palais... c'est le moment de parler du plus célèbre des dirigeants roumains (après... ou avant même Ceausescu) qui a séjourné en ces lieux: Vlad III l'empaleur, alias... Dracula!
A cette époque le pays était sous la domination ottomane, et alors qu'ils étaient enfants le jeune Vlad et son frère avaient été envoyés en otage en turquie. C'est là qu'il a assisté pour la première fois à l'une des exécutions les plus cruelles destinées aux criminels: l'empalement. Quand c'est bien fait, le supplicié est empalé sur un pieu en entrant par les fesses et en ressortant par la bouche (hein?). Pendant toute l'opération le gars est encore vivant et peut le rester jusqu'à 24 heures avant de succomber. J'ose pas imaginer la souffrance.

Revenu à la tête de son pays, Vlad aurait bénéficié d'une certaine popularité auprès de son peuple, malgré la fâcheuse habitude qu'il avait attrapé lors de ses années de détention: Vlad l'empaleur... empalait tout ce qui bouge. Bon si vous n'aviez rien à vous reprocher, pas de problème. Mais si vous commétiez un petit larcin, un petit vol, un adultère, voir même si vous aviez dit du mal de lui en public... au pieu et en vitesse! Il aurait empalé plus de 30000 personnes durant son règne, parmi lesquels certains de ses anciens amis tombés en désuétude...



Néanmoins Dracula (car il est bien de la dynastie des Draculea) fut surtout connu pour s'être opposé à la domination ottomane, en faisant construire une muraille pour protéger la ville de Bucarest. Il refusa notamment de payer le tribu que devait payer tout pays colonisé. Le sultan envoya alors 2000 soldats pour parlementer et le forcer à payer. Vlad les captura et les fit tous empaler sur le chemin qui mène à Bucarest. Quand l'armée punitive du sultan se mit en route et vit des corps empalés à perte de vue sur le chemin, elle prit peur et fit demi-tour.
Vlad III fut finalement assassiné par son propre frère qui lui coupa la tête et l'envoya au sultan dans un bocal de miel afin de la conserver.


Quittons maintenant notre cher ami Dracula pour nous faufiler au milieu des rues qui mènent au petit monastère de Stravopoléos. Le style de cette église est typique de la Roumanie et mêle des influences de l'orient et de la renaissance italienne.
Au début les moines avaient décidé de construire une auberge juste à côté et édifièrent l'église avec l'argent ainsi gagné.


L'église est également un prétexte pour notre guide pour nous parler à nouveau du grand projet de modification de la ville de Ceausescu, car ce monastère devait être déplacé ou détruit pour faire de la place à la nouvelle ville. Il fut sauvé mais ce ne fut pas le cas de bon nombre de bâtiments. Afin de sauver quelques une des églises condamnées, l'architecte eut l'idée farfelue de 'déplacer' les bâtiments en utilisant des rails. D'après la légende il aurait eu cette idée en observant les serveurs d'un restaurant avec leur plateau. Cela fonctionna très bien, et ils réussirent même à déplacer ainsi des immeubles d'habitation. Seuls l'électricité et l'eau devait être débranchée...


Il fait nuit... Voilà la Calea Victoriei et ses magasins chics.
Nous sortons donc du vieux quartier de Bucarest, dont les noms des rues reprenaient ceux des artisans qui étaient au service de la bourgeoisie: la rue des bottiers, celle des chapeliers, etc...



De l'extérieur, le bâtiment de la caisse d'épargne ressemble un peu à celui du petit Palais, à Paris, car il fut construit à la même époque, alors que la capitale française était au sommet de l'élégance européenne.


La Casa Capsa toute proche abrita la première boulangerie française de Bucarest, et le premier grand magasin de la ville s'appelait... Les Galeries Lafayette.


Nous passons sous le passage couvert de Villacrosse. Il s'agit d'une double rue qui se rejoint au bout, où l'on trouve de nos jours plusieurs bars à Shisha et Narguilleh. On raconte que le propriétaire de l'immeuble situé entre les deux rues aurait refusé que son bâtiment ne soit détruit pour construire une rue unique pourtant utile pour atteindre facilement la banque centrale située juste derrière. On l'a donc contourné en faisant 2 rues.


Sorti de 'Shisha street', nous nous dirigeons vers la place de l'université, l'une des rares places publiques de la ville, et qui fut au cœur des événements de 1989.
A cette époque, les temps étaient difficiles pour les roumains: en plus du rationnement, Ceausescu s'était mis en tête d'augmenter la population du pays. Pour cela, l'avortement fut interdit et puni de prison. On incitait les médecins à dénoncer les contrevenantes. Tout homme n'ayant pas d'enfant à partir d'un certain age devait payer une taxe. La profession de maître d'école était également un bon filon pour recruter des espions, car les enfants pouvaient se confier sur ce qui se disait sur le régime à la maison...
On n'avait droit qu'à 3 heures de télé le soir, et un film tous les dimanches matin pour que les gens n'aillent pas à la messe.
La protestation commença parmi les étudiants qui se réunirent sur cette place, et les arrestations se succédèrent. Pour échapper à la police, 40 étudiants tentèrent de se réfugier dans l'hôtel Continental tout proche et furent assassinés lors de l'assaut.



 Suite aux retentissements de cette affaire, Ceausescu rentra de voyage officiel pour faire le fameux discours sur la place de la révolution, pendant lequel il fut hué et chahuté. Après sa fuite en hélico, l'armée se retourna contre lui et il fut arrêté. Les vidéos de son jugement et de son exécution expéditifs, tous le monde les connait. Les images, diffusées pour Noël, furent un véritable cadeau pour les roumains et permis de couper court à toute rébellion de ses derniers partisans. Le Conducator est mort, joyeux Noël!
Mais aux premières élections libres qui suivirent les problèmes ne furent pas tous réglés. Le sortant - ancien pote de Ceausescu - obtint plus de 80% des voies. Les opposants se réunirent place de la république pour protester. Le président n'envoya pas l'armée mais demanda aux mineurs du fin fond du pays de venir mater les 'intellectuels' de la capitale, bâton à la main. Émeutes et bagarres provoquèrent même des morts.
La démocratie n'était pas encore gagnée...


C'est la fin de notre visite, fort intéressante. La preuve c'est que j'ai eu plein de choses à raconter. Notre guide Greta mérite bien ses 50 lei de pourboire. Comme vous le voyez il fait bien nuit et tout le monde est crevé parmi les participants.
Je dois encore dîner et après avoir fait un tour à l'Athénée Roumain pour vérifier si il y a des spectacles en ce moment (rien avant la semaine prochaine), je me mets en quête de restaurant...
Au cercle militaire (photo ci-dessus), il y a une soirée tango et on n'entre pas sans réservation.


Je traîne dans les rues de la vieille ville, pourtant pleines de restaurants, mais rien ne m'intéresse. Finalement, rue Franceza, un restaurant nommé 'Saint Georges' a l'air de faire quelques plats traditionnels. Alors... devinez ce que j'ai mangé (en photo)? Des testicules de poulet panées!
Et bin... c'est plutôt bon!


Une fois sorti, je cherche un marchand de glace mais ils sont tous fermés. Je m'attendais à une ville plus animée le soir, d'après la réputation de Bucarest... En fait c'est surtout animé le weekend.
Je tente de m'approcher du palais du Parlement pour une photo nocturne mais apparemment il n'est pas illuminé de nuit.
Je me perds parmi les immeubles d'habitation, et mets presque 30 minutes avant de retrouver le chemin de la rue Victoriei.



Devant le musée d'Histoire, il y a cette bien étrange statue représentant l'empereur romain Trajan avec dans ses bras le loup Dacia, emblème de la Roumanie. Je crois que c'est la statue la plus photographiée de la ville par les touristes (je l'ai vue plein de fois sur internet). Et bien sûr très critiquée par les locaux...


Sur le chemin du retour, la chance me sourit: il y a un restaurant italien qui vend des glaces à emporter: 2 boules Tiramisu/ citron. 10 lei (2.5€), ça coûte presque aussi cher qu'en France... mais la glace est très bonne.
A l'appartement, tout le monde dort déjà (bon c'est minuit passé). Une petite tisane et au lit!

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