Varsovie - Jour 5 - Partie 1 - La terre promise

Ce matin Agnieszka doit quitter la maison un peu plus tôt vers 8h30. Dernière discussion avec mon hôte autour d'un granola maison... C'est le moment du bilan et de lui raconter combien j'ai apprécié Varsovie.
Nous nous serrons la main avant de nous quitter, et je m'en vais peu de temps après elle, vers 9h passé.


Mes chaussures sont encore mouillées de la pluie de la veille... Tant pis! Elles sécheront en marchant! Pour retourner dans le quartier juif il faut prendre la rue toute droite.
Le monument aux insurgés est ce matin entouré de cierges et de couronnes de fleurs, certainement déposés la veille jour de la Toussaint.


Il fait un peu froid ce matin... mais au moins il ne pleut pas.
Les manifestants sont encore à leur place dans leurs tentes devant le parlement...


Je marche encore un peu pour arriver à la grande place au centre de laquelle se trouve une énorme sculpture représentant un wagon de train plein de croix toutes noires. Serait-ce le wagon de l'Umschlagplatz, qui emmenait les juifs aux camps de concentration? Non je ne crois pas. Je crois plutôt qu'il évoque les camps de rétention des communistes.


Après recherche, il s'agit bien d'un monument dédié aux victimes des soviétiques pendant et après la seconde guerre mondiale. C'est vrai que Staline avait envahi la Pologne dès 1939, et qu'il y a bien eu des massacres, dont celui de Katyn.
Si il semble qu'il y ai principalement des croix catholiques sur le char de la mort, il y aurait aussi quelques croix de David mais aussi des croix catholiques et des croissants musulmans.


Le monument date de 1995. Chacune des planches sur lesquelles les rails sont censés rouler porte le nom d'un des camps où les opposants étaient déportés.
Là aussi des gens sont venus déposer fleurs et bougies sur le monument pour la fête des défunts...


Le vrai Umschlagplatz se trouve un peu plus loin (merci mon ami GPS). Pour le coup le mémorial est un peu sobre comparé à l'autre: justes quelques murs de marbre pour marquer l'endroit où l'on faisait embarquer les juifs pour le camp d'extermination de Treblinka.


Plus de 300000 victimes furent déportées à partir d'ici par les nazis. Une partie des noms sont inscrits sur le monument...
Je continue à marcher et je croise par hasard le groupe de jeunes touristes rencontrés à la synagogue la veille.



Et au détour d'une rue me voici arrivé à destination: le musée Polin, avec son parc tout autour où je croise des chiens avec leur maître (ou l'inverse).
La caisse pour acheter les billets d'entrée est sur le côté, mais avant tout je vais prendre des photos de l'extérieur: le bâtiment du musée, avec sa genre de coupe qui le divise en deux (même à l'intérieur), et qui fait penser à Moïse séparant les eaux de la mer rouge.


Il y a aussi un mémorial dédié aux révoltés qui ont défendu le ghetto sous l'occupation nazi.


En 1943, un peu avant l'insurrection de toute la ville, une partie des juifs du ghetto avaient tenté de se soulever, sans succès, et ce monument leur est dédié...



Ces pierres fraîchement déposées, hommage traditionnel juif, n'auraient pas été laissées là par le groupe d'étudiants que j'ai crois tout à l'heure? Possible...



Il y a aussi cette statue étrange d'un homme sur son canapé. Il s'agit de Jan Karski, juif qui échappa au massacre de Katyn, puis entra dans la résistance contre les nazis. Héros de guerre, il continua à témoigner de ce qui se passait dans les camps d'extermination et les ghettos, et mourut en exil aux Etats unis.


Entrons maintenant dans le musée! Je passe le sas de sécurité (avec tapis à rayon X) puis je laisse mon sac et mon manteau à la consigne.
Wow! Le hall est impressionnant...


L'architecture du musée est vraiment unique, avec cette grosse fente qui fait penser à un canyon rocheux. Et je crois d'ailleurs que les architectes ont gagné un prix international pour leur oeuvre: 'Museum of the year 2016'. Il est tout neuf en fait ce musée...


J'allais pour commencer la visite de l'exposition quand je décide de faire demi-tour et prendre un audioguide. Ça me permettra peut être de 'temporiser' mes déplacements...


Ça débute en sous sol. Le musée traite bien de l'histoire des juifs en Pologne et ceci par ordre chronologique, et ça commence au moyen age. Chassés de toute part, le peuple élu crut en un signe divin quand ils virent les forêts de Pologne. 'Polin' en hébreux veut dire 'repose toi ici', et le mot 'Polska' (Pologne en polonais) était donc un bon présage.


En effet, le duc de Pologne accueillit les juifs avec respect et leur donna des droits spécifiques, qui firent même parfois d'eux des privilégiés. Ils étaient d'excellents commerçants et prêteurs sur gage, et s'installèrent aux abords des villes.


Les commerçants juifs qui voyageaient de ville en ville favorisaient les échanges, et ils furent même autorisés à frapper leur propre monnaie.


Quand au prêt d'argent, il était très mal vu par l'église catholique. Les juifs étaient donc tout indiqués pour assurer la fonction d'usurier. Ils prirent de plus en plus d'importance jusqu'à être commandités par les nobles pour récolter les impôts à leur place...



Néanmoins dans la vie de tous les jours, la place des juifs était plus ambiguë: les lois interdisaient par exemple que les maisons juives et chrétiennes ne se touchent, les femmes juives devaient se vêtir de manière à être distinguées des autres (pour ne pas être courtisées par erreur par de bons catholiques).


Pourtant leur ascension sociale était évidente, et un juif fut même anobli par le grand duc.
A l'étranger, les autres nations critiquaient vivement la Pologne pour ses rapprochements avec le peuple hébreux, on disait même que le pays était " le paradis des juifs".


Ils s'installèrent donc un peu partout en Pologne et en Lituanie (qui faisait partie du royaume à l'époque), comme le montre cette carte.



Plus tard, quand la première république de Pologne fut instituée, on déclara la liberté de religion, ce qui à nouveau favorisa l'intégration des juifs dans la société. Ce fut ce que l'on appela "le siècle d'or" en Pologne. La culture et l'identité des Yeddish - différente de la culture hébraïque traditionnelle -  se développa, avec l'avènement de savants et de sages, le développement de l'imprimerie qui permit l'échange de nouvelles idées...


L'oeuvre la plus connue reste le livre écrit par un rabbin célèbre qui décrivit à ses contemporains la manière de se comporter dans la vie de tous les jours.



Mais malheureusement le siècle d'or se termina dans le sang: les cosaques, soutenus par les paysans pauvres, se révoltèrent contre la noblesse et les juifs, symboliquement associés à l'argent des nobles qu'ils entretenaient, ne furent pas épargnés. Il y eu plus de 30000 morts dans cette révolte.



Mais peu à peu les esprits se calmèrent, et dans les nouvelles villes - qui ne dépendaient plus maintenant des seigneurs - les juifs y trouvèrent quand même leur place.
Ils pouvaient ainsi toujours avoir leur propres écoles, construire leurs synagogues, ou encore ouvrir des débits de boisson.


Le musée fait la part belle aux reconstitutions, comme celle de la maison typique d'une famille juive de l'époque...


Voici justement une synagogue de bois du XVIIIème siècle, démontée et reconstruite ici. Elle est superbe, vous ne trouvez pas?


Au plafond on peut apercevoir des peintures représentant les signes du zodiaque ainsi que des animaux fantastiques protecteurs de la communauté.



Mais l'attitude du petit peuple envers les juifs ne changea pas: on les accusait alors de tous les maux, on racontait qu'ils enlevaient des petits enfants pour les sacrifier dans des rituels sataniques. Et devant la justice, tout accusé juif était forcément coupable...


Puis vint l'époque où le pays fut divisé en 3 états par les grandes puissance limitrophes: Prusse, Autriche et Russie. La condition des juifs différait donc selon le pays.


Le temps passe trop vite: je n'aime pas ça mais il va falloir que je saute des pistes de mon audioguide et que je presse un peu le pas, en ne jetant parfois qu'un œil distrait sur les panneaux explicatifs... ça m'énerve, mais je n'ai pas le choix. Il est grand ce musée (45000 m²)... mais il relate quand même plus de 1000 ans d'Histoire!


Entrée dans l'ère moderne donc pour la Pologne juive.
Ils devaient maintenant se soumettre à des lois encore plus restrictives: les signes extérieurs (kippas et robes traditionnelles yiddish) furent interdits. On les obligea à se cacher parmi la foule, à oublier leurs traditions et à se tourner vers la modernité, en cachant leur kippa sous un chapeau haut de forme par exemple...


Certains refusèrent cette disparition des traditions et se réunirent dans des communautés en dehors des villes, en réinventant leurs codes et leur mode de vie: c'est le Hassidisme.


Mais même ceux qui avaient abandonné leurs traditions yiddish continuèrent leur émancipation. Ce fut l'époque des grandes écoles hébraïques qui n'enseignaient pas que la religion mais aussi les sciences pour lesquelles certaines étaient même réputées...


Nous voici arrivés dans les années 20-30 avec cette reconstitution d'une rue du ghetto. Un café, des journaux, des cinémas... même des films étaient produits par la communauté pour la communauté!


La vie culturelle israélite était alors florissante, à Varsovie ou dans d'autres villes de Pologne.


Je regarde ma montre... le temps passe vraiment trop vite et j'ai bien peur que si je continue à m'intéresser avec tant de ferveur à tout ce que je voie (qui il est vrai est vraiment intéressant)... je vais finir par rater mon avion!


Mais voilà les nazis qui envahissent le pays: la rue se transforme en un amas de murs sombres et tordus.


Finalement, à part l'étoile jaune portée par les juifs, il y a peu d'éléments sur cette période présentés dans cette zone... ou alors c'est que je passe un peu trop vite dans cette partie. La vie dans ce ghetto surpeuplé et sans nourriture devait être horrible.



Voilà une photo de l'Umschlagplatzt où les nazis emmenaient les juifs vers l'enfer des camps. Il y a aussi un plan de l'endroit.


Sur ce mur, des extraits de messages laissés par les condamnés...
Sur les 3 millions de juifs que comptait la Pologne avant guerre, seuls 200000 survivront à l'extermination nazie. Il ne sont plus que 10 à 20000 aujourd'hui.


En lisant la traduction de cette petit pancarte, on comprend vite de quoi il est question et d'où elle provient. Elle propose au lecteur d'enlever ses vêtements et de se préparer à une bonne douche bienfaisante.


On évoque ensuite la libération des camps par les américains et leur surprise devant tant d'horreur.
Et la première action des survivants fut de témoigner: on leur fournissait une affichette à remplir pour se signaler et afin d'avertir et retrouver ses proches, un peu pour dire 'je suis vivant, j'ai survécu'.


Je n'ai malheureusement plus trop le temps de lire tous les témoignages, car l'exposition ne s'arrête pas là mais révèle aussi le destin des juifs polonais après la guerre: la naissance du mouvement sioniste et la création d'Israël.


Les communistes au pouvoir n'appréciaient pas vraiment les juifs et faisaient tout pour s'en débarrasser, allant jusqu'à les aider secrètement à passer à l'Ouest. Ils voyaient en eux des fauteurs de troubles, incapables de se fondre dans la masse des polonais catholiques.
Pendant la révolte étudiante de 1970, le gouvernement inventa un 'complot sioniste' pour expliquer les événements. On persécuta les intellectuels juifs en les forçant à l’exil.

Enfin la fin! Il est 13h30, je suis en retard sur mon planning mais bon... mon vol n'est qu'à 19h.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------



Commentaires

Articles les plus consultés